L'halieute des transitions
Une journée de rencontre-débat, 7 octobre 2022, Rennes
Plus que jamais les halieutes sont à la croisée des grands défis de l’humanité : ils doivent faire vivre des filières et contribuer à nourrir la planète, tout en préservant la biodiversité dans le contexte du changement global.
Alors que la plateforme intergouvernementale pour la biodiversité (IPBES) indique que la pêche est la première cause d’impact sur la biodiversité marine, les halieutes ont acquis en la matière une expérience irremplaçable. Ils sont confrontés aux questions de la durabilité écologique depuis des décennies et ont obtenu de premiers résultats. Aujourd’hui, ils doivent être à la manœuvre pour construire une durabilité nouvelle, qui prenne à bras le corps l’ensemble des enjeux de biodiversité et de conservation des écosystèmes marins. La transition écologique est au programme et les halieutes, forts de leur expertise propre, y ont une responsabilité particulière.
Cette transition est d’autant plus urgente que le dérèglement climatique frappe violemment à la porte. Dans les décennies qui viennent, on anticipe une baisse globale des captures, un changement de leur composition spécifique, et une plus grande instabilité. Les pêcheurs, mais aussi les aquaculteurs, doivent et devront s’adapter, et avec eux les systèmes de gestion tout autant que les circuits de commercialisation et de valorisation. La résilience des ressources, des écosystèmes et des systèmes d’exploitation doit devenir le maitre mot. Les modes de production, de consommation, de gouvernance sont à repenser. Adaptation et atténuation : la transition climatique est elle aussi un immense chantier pour les halieutes.
Un troisième défi majeur les attend ; c’est celui de la sécurité alimentaire. La demande en produit de la mer est sans cesse croissante, et dans de nombreux pays, notamment au sud, les poissons et fruits de mer ont un rôle clé à jouer dans l’apport de protéines et de micronutriments. On le sait, c’est désormais l’aquaculture qui permet de répondre à ces besoins croissants. Au Sud, se jouent des enjeux de développement, d’accès à la ressource alimentaire, de partage de la rente économique, d’équité. Au Nord, l’aquaculture doit véritablement se transformer pour réduire ses impacts et répondre à des impératifs de durabilité. Une mutation aquacole est au programme, et elle a besoin - elle aussi - de cadres spécialistes de la production durable des espèces aquatiques.
D’autres enjeux majeurs et d’autres grandes transitions impliquent très directement les halieutes : la viabilité économique du secteur dans un contexte de concurrence globalisée ; le maintien et le renforcement d’une pêche et d’une aquaculture de proximité, au service des sociétés humaines et de l’aménagement du territoire ; la gestion des conflits d’usage, dans des espaces maritimes et côtiers de plus en plus convoités ; la nécessité, à l’échelle mondiale, d’un rééquilibrage des relations Nord-Sud en matière de production et de consommation des produits aquatiques ; les attentes croissantes et parfois contradictoires des consommateurs pour des produits sains, plus éthiques et plus écologiques. La transition numérique, le développement des réseaux sociaux, ou la révolution informationnelle accélèrent tous les processus de transformation et tendent à faire de chacun de ces enjeux, et d’autres encore, des urgences techniques ou économiques, et des exigences sociétales.
Plus que jamais, il est temps de penser l’halieute des transitions.